© Marc Brasseur |
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L'ŒUVRE |
NOUVELLES |
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Le
petit crucifix en cuivre, Ville de Mons,
Rendez-vous du livre, 2006
La leçon de Madame Nour, in "Et le monde regarde (Liban, été 2006)", ouvrage collectif coordonné par Malika Madi, éd. du Cerisier, 2007. Le jeune homme du banc, La revue générale, 2008, Prix Gilles Nelod |
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THÉÂTRE |
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La Cave, jouée au théâtre du Pré aux Sources en février 1990 Madame Lazare, joué au théâtre de Hondelange et au Théâtre de Braine-le-Comte Le pays des Murmures, joué par la troupe "Pour le Plaisir" à Bruxelles, 2006. Le Café du Commerce |
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Théâtre |
PRIX LITTÉRAIRES |
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Prix du Grenier aux
chansons pour le livre de poèmes : La Cité des
feuilles
Prix Hubert Krains pour le roman : Madame Cléo Prix Gauchez-Philippot pour le roman : La Différence, Prix des lecteurs de Notre Temps pour l’essai : La littérature belge de Langue française. Prix Gilles Nelod 2008 pour la nouvelle : Le Jeune homme du banc. (éd. La Revue générale) Prix du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles : Madame Cléo (M.E.O.) |
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Grenier Jane Tony, en compagnie du poète Guy Beyns |
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Au
sein
de sa génération, Michel JOIRET occupe, c’est incontestable,
une
place à part, particulièrement dans le domaine poétique. Né en 1942, ce poète qui écrit et publie au reste très tôt manifeste, dès ses débuts certes, mais en son âge mûr surtout, un curieux esprit de réaction, voire d’opposition plus ou moins consciente aux dilections de presque tous ses compagnons de route. On se souvient que, de Jacques Izoard à Christian Hubin en passant par Gaspard Hons ou Werner Lambersy, tous les poètes belges du temps avaient pour ambition de tordre le cou à l’éloquence, d’économiser au maximum les moyens de fuir l’incondescence et le drapé lyrique. Seules exceptions : Jacques Crickillon et Michel Joiret. Encore ce qui les rapproche – la défiance sinon la fuite devant ce que j’appellerais, après tant d’autres, le minimalisme poétique d’une part, et l’utilisation volontaire de tous les registres du langage d’autre part – est-il moins significatif que ce qui les sépare. Pour Crickillon, l’écriture comme la vie, est un grand théâtre désert et crépusculaire. Un enchanteur désenchanté y arpente avec un évident néo-romantisme et le malaise essentiel du mal aimé, des ruines où le marbre se mêle à l’ordure. La démarche de Joiret est plus directe et, Marcel Moreau ne s’y est pas trompé, plus directement humaine. Car l’œuvre entière de Michel Joiret nous raconte l’éternelle et poignante histoire d’un homme jeté par hasard dans la vie, sauvé de l’absurde par le recours au corps de l’être aimé, puis, l’âge venant, condamné, Sisyphe de l’érotisme, à combler par la chair et la frénésie vitale, le trou béant d’une mort qui, malgré la peur et les refus, lui va comme un gant. Tentons de voir comment et pourquoi ce jeune et sage poète presque académique s’est soudain, au cours des années septante, métamorphosé en un ironiste décapant, blessé vif aux tessons de la vie. Jean-Luc Wauthier Les Cahiers L |
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Qui
est Michel Joiret ? Un homme de mots, de contacts, de vérité… Enfin celle qu’il imagine. Je crois, avec Marcel Proust, que la vraie vie, celle qui dure et qui nous honore, se situe dans l’œuvre d’art. On mutile les gens en les privant de leur culture, en ne leur donnant pas accès au patrimoine, en ne favorisant pas l’ouverture au monde. Je crois à tout ce qui légitime notre présence en ce monde. Par exemple, en allant au bout de ses pensées, de ses rêves, de ses actes, de ses combats. Il en est de même dans la relation amoureuse. Rien ne nous est donné dans l’univers complexe de l’émotion, tout est à conquérir. Je m’en explique à travers la fiction du roman : Le Chemin d’Amandine. La société se contente trop souvent de déclaration d’intentions. Comme si les paroles gardaient l’essentiel en jachère. Je me méfie un peu de ceux qui, après trois ou quatre phrases poursuivent : « en définitive »… Pour faire court sans doute, pour parer au plus pressé, au plus profond. C’est idiot et pathétique ! Chaque matin, j’applique la formule de Montherlant à moi-même : « En prison pour médiocrité ». Je me dis : « En quoi me suis-je montré médiocre ? » Et je trouve toujours des éléments de réponse qui me navrent. Cependant, je ne cultive ni l’exigence extrême ni l’exclusivité. Tout ce qui touche au totalitarisme ou à l’hégémonie des puissants me fait vomir ! Mais la poutre que je m’inflige malgré moi dans un fond de l’œil particulièrement critique me permet souvent d’ignorer la paille dans l’œil du voisin. Je peux me fondre volontiers dans un groupe mais, d’autre part, je reste un enfant cassé dans tout ce que j’entreprends. Ma solitude est une chambre de bonne où je tente de concevoir ma finitude. Hédoniste et jouisseur, je suis un mari amoureux, un ami fidèle et un insupportable concepteur de projets ! Ce qui m’intéresse passe par la qualité de ce que je peux créer. A de très rares moments de ma vie, il m’est arrivé de me prendre au sérieux (surtout pendant ma jeunesse). Je m’en remets difficilement, comme d’une maladie honteuse… Dès lors, notre statut de « passager » commande chacune de mes démarches. Tout me ramène à l’écriture, absolument tout. Même si je tremble à la seule idée d’avoir mal dit, de m’être trahi à travers les mots, c’est tout de même l’écrit qui signe ma présence en ce monde. Sans doute suis-je aussi un homme de combat. Je trouve par exemple que l’histoire littéraire a besoin d’être réinventée, restaurée et assistée à différents niveaux du savoir. Je ne peux imaginer un monde qui substituerait une improbable forme de communication à la réserve précieuse de nos bibliothèques. Il n’y a pas plus de littérature virtuelle que de romans de gare. Le monde des livres reste une communauté de pensée et d’émotions, chronologique et nécessaire, aux diagonales complexes et évolutives. J’aimerais parfois que l’écologie prenne en compte les différents paramètres de notre construction « historique ». Après tout, ne faudrait-il pas préserver le meilleur de nos traces avant de nous affecter des tâches de survie ? Mais pas un mot là-dessus. Mes contemporains sont dans le « faire » et «l’ avoir », rarement dans l’« être ». Je ne suis donc pas tout à fait leur contemporain… Et tout ceci avec l’acte gratuit, l’insoumission dans la gorge et parfois même, l’écriture automatique… Il est important pour moi d’exister là où on ne s’attendait pas à me trouver ! Et si la question demeurait sans réponse ? On dit de vous que vous avez une place particulière dans la littérature belge contemporaine, essentiellement au niveau de la poésie. Vrai ou faux ? Heureusement. Pour reprendre le titre d’un de mes romans, j’ai toujours cultivé « la différence ». En d’autres mots, j’essaie d’apparaître là où on m’attend le moins. J‘aime qu’on utilise le patronyme de « polygraphe » en parlant de mon identité littéraire. Poète, j’ai adhéré au roman à l’âge de vingt-deux ans… Très tôt, je me suis passionné pour la littérature de ce pays et j’ai tenté d’en relever les lignes de force. Mon ouvrage sur la Littérature belge de langue française tente de concilier pédagogie et littérature. Pour répondre à votre question, je me suis « essayé » à travers différentes formes d’écriture poétique. Aucune d’elles ne m’a définitivement investi et c’est bien normal. L’écrit reste le témoin d’une tranche de vie et toute publication en la matière est bien plus qu’une invitation sensible. Je me suis souvent interrogé sur l’opportunité d’une « carrière littéraire ». L’aventure sensible ne se concilie pas vraiment avec le commerce aléatoire d’un quelconque marché du livre… Et cependant, tout écrivain entend être « reconnu » ; je veux dire par là que l’écriture seule lui permet d’entrer en empathie avec le monde étrange et étranger. Il n’y a pas d’autre paraphe pour un poète, un romancier… Une « place particulière »… Peut-être fait-on allusion à la sédimentaire subversion qui inspire mon œuvre. En cherchant à aller « au bout » de l’écriture, on devient poseur de bombes malgré soi ! Dans ma famille proche, j’ai quelques Rimbaud, Sollers, de Ghelderode qui sommeillent… Sans oublier San Antonio bien évidemment ! Le polar m’a requis comme le théâtre, comme le récit autobiographique, comme la poésie… Souvent je me dis qu’un petit garçon sensible et précaire s’invite dans chacune de mes publications. Alors oui, j’occupe une place particulière dans la littérature belge contemporaine, peut-être parce que je crois à la pluralité des écritures. Peut-être aussi parce que le « pousse-toi là, j ‘existe » a trop souvent justifié le succès – ou l’insuccès – de certains livres. Baudelaire parlait de nos misérables « sociétés » littéraires, comme s’il avait conscience de l’incroyable fatuité de nos réserves indiennes en littérature ! Il y a place en nos bibliothèques pour accueillir Guy Vaes, Pierre Mertens, Maurice Carême, Georges Simenon, Achille Chavée, Marie Gevers et Paul Colinet… La richesse de la littérature est dans sa fertilité sédimentaire, ne l’oublions jamais. Êtes-vous vraiment un Tueur de Jonquilles? Racontez-nous l’univers de votre dernier roman… J’en suis sûr. Comme vous, comme chacun de nous. Je suis certain que nous cultivons un jardin noir, tout aussi secret que le blanc. Simenon répétait qu’il n’y a pas grande différence entre un « coupable » et « un homme ordinaire. Une simple question de circonstances – ou de vocabulaire. Qui n’échangerait la vie de quelques autres pour préserver la sienne ? Ou pour la prolonger ? Nous sommes tous des docteurs Faust devant l’inéluctable. Bien entendu, notre civilisation « pompière » éteint les incendies qui naissent au plus secret de nous. C’est ce qui alimente la culture, je dirais même, la culture occidentale. Tant que la mort s’inscrit dans la réalité d’un registre administratif, elle n’existe pas tout à fait. Tant qu’elle s’attaque aux malades, aux personnes en fin de vie et aux crapules, on lui trouve même une sorte de justification. Mais dès qu’elle contrarie l’ordre de croissance, dès qu’elle se met à faucher les jeunes pousses, les fleurs de printemps, alors un sentiment d’injustice agite les consciences, provoque la révulsion et suscite la réprobation générale ! Nos révolutions sont toujours jeunes et nos apathies sociales sont toujours vieilles… Si la mort reste un fait de société, on l’accueille avec résignation… Mais voilà, c’est aussi le rôle du romancier de forcer le « politiquement correct ». le « socialement irréprochable ». Le Tueur de jonquilles mène une existence banalisée. Il occupe dans le temps une position extrême. Devant lui, il n’y a plus rien… La suite, vous la découvrirez dans le récit. Ceci dit, je ne m’assimile à aucun de mes personnages. Mais je ne cache pas ma sympathie pour le commissaire Théodore Saint-Loup. Un homme qui vit plusieurs vies et qui enfreint la déontologie policière autant que les règles sociales, doit nécessairement me plaire ! J’aime que la part cachée d’un individu se cogne aux angles droits de l’éthique ! Comment arrive-t-on de la poésie au polar ? Aussi naturellement qu’on passe d’une époque de l’écriture à une autre. C’est ainsi que le mensonge de la forme cède réellement aux nécessités intérieures. J’aime prendre des risques, relever des défis. J’aime détacher les étiquettes m’on me colle sur le front. En écrivant des romans policiers, je n’ai jamais le sentiment de traverser une quelconque Cour des Mioracles. Si le code d’écriture est différent de celui qui dicte les « romans romans », la projection d’idées et d’émotions garde la même intensité. On écrit un polar comme on passe de la gouache à l’aquarelle, très simplement. Mais ici, pas question de tricher avec soi ! Pas de développements digressifs, pas d’anachronismes signifiants. Le polar est une émission en direct. L’auteur est tenu de ne jamais lasser son lecteur et de soutenir les aigus ! Le polar est un mouvement d’humeur, un réflexe, un jeu de piste même (et surtout) si l’intrigue est véhiculée par un glissement des valeurs établies. La poésie ne s’écrit donc pas mais elle souffle sur l’écriture. Toutes mes obsessions d’auteur se cristallisent dans le polar : le temps, le sentiment amoureux, la vacuité du pouvoir, l’intolérance, l’exotisme épidermique, la mort, la solitude, la vanité, l’absurde… Quels sont vos projets en cours ? Répondre aux sollicitations muettes de l’écriture, me lever la nuit pour noter l’une ou l’autre phrase que le cauchemar ou le rêve m’ont suggérée. Equilibrer mon travail de recherche et mon recours à l’imaginaire. Un nouveau polar me sollicite aujourd’hui : Les masques verts du Commandeur. Une fois encore, je compte bien ratisser dans les jardins à la française de mon entourage. A cette occasion, j’entends mettre en scène la nouvelle tyrannie verte qui éveille au fond de nous un obscur sentiment de culpabilité. Comme un paysan têtu, je nourris une méfiance obstinée à l’endroit de ces docteurs en blouse blanche et au col raide qui nous dépouillent de nos « mauvaises » habitudes… Un nouveau fait de société sans aucun doute. J’aimerais aussi publier Madame Cléo, la suite de Leila, mon premier roman, j’aimerais que mon ouvrage : Lire Marcel Proust aujourd’hui voie le jour. Ma revue Le Non-Dit vient d’avoir vingt ans. J’aimerais souffler d’autres bougies avant d’être soufflé moi-même par l’explosion des années. Ah j’oubliais ! Dans mes cartons sommeille une nouvelle pièce : La café du Commerce. J’aimerais la voir battre les planches ! Je n’oublie rien du Projet Lecture Charles Bertin Charles Plisnier pour lequel je suis aujourd’hui consultant et qui honore l’enseignement provincial du Hainaut. Je veux rapprocher les jeunes de l’Association internationale Michel de Ghelderode pour laquelle je suis conseiller pédagogique et qui a tant et tant à donner… Je veux surtout préparer une nouvelle vie d’écriture avant de la voir exécutée par un quelconque Tueur de jonquilles… Extrait d’une interview réalisé par Sylvie Godefroid, au bénéfice de la SABAM |
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